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Le contentieux de la concurrence déloyale sur les noms de domaine : Gare aux antériorités opposables …

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Quid de l’enregistrement par un concurrent d’un nom de domaine expiré ?

L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 2 février 2016 [1] apporte un peu de lumière sur l’enregistrement d’un nom de domaine par un concurrent, d’une société qui ne l’utilise plus, car la jurisprudence en la matière était assez obscure… Une société de vente et de restauration d’instruments à vent, exploitant un magasin sous la dénomination sociale, l’enseigne et le nom commercial « Les Vents du Nord ». Elle était titulaire du nom de domaine <lesventsdunord.fr>, qui pointait vers une page indiquant que le site Internet était en construction. La société Cuivres et bois, exerçant exactement la même activité et exploitant un magasin à proximité, a acheté ce nom de domaine le lendemain de sa retombée dans le domaine public et a acquis, aussi, dans la foulée, le nom <lesventsdunord.com>.

Les Vents du Nord a mis en demeure Cuivre et bois :

  • de cesser tout usage du signe « les vents du nord »
  • et de lui transférer les noms de domaine

Tout d’abord, la Cour de cassation a considéré que bien que le site était exploité de façon très modérée, il y avait une exploitation effective et publique du nom de domaine <lesventsdunord.fr>. Ensuite, selon la Cour, le rachat d’un nom de domaine tombé dans le domaine public, par une société concurrente, est de nature à créer une confusion entre les deux sociétés qui exercent les mêmes activités, et a pour conséquence de capter la clientèle de la société Les Vents du Nord. Ainsi, la Cour conclut à une concurrence déloyale commise par Les Cuivres et bois à l’encontre des Vents du Nord.

Ainsi, cet arrêt présente plusieurs apports :

  • il précise les conditions dans lesquelles l’enregistrement d’un nom de domaine non renouvelé peut être licite, ou non ;
  • il précise la notion d’exploitation du nom de domaine pour lui donner une acception assez large

Quid de l’usage illicite du titre d’avocat ?

Cet arrêt apporte un éclairage sur la possibilité d’utiliser un titre (en l’espèce, celui d’avocat) pour un nom de domaine et particulièrement les conditions de cette utilisation. Jurisystem SAS utilisait le nom de domaine <avocat.net> pour un site portant la mention « le comparateur d’avocats n°1 ».Le tribunal de grande instance [1] avait interdit l’utilisation de ce nom de domaine sans y ajouter le nom de la société.

Ensuite, la cour d’appel [2] a maintenu cette interdiction d’autant que le site Internet présentait un caractère trompeur car le terme « avocat » laissait penser à l’internaute que le site était géré par des avocats alors que certaines tâches l’étaient par Jurisystem SAS et il répertoriait seulement 4 500 avocats contre les 56 176 inscrits en France. Enfin, la cour a imposé de transférer <avocat.net> au Conseil National des Barreaux (CNB).

En revanche, à la différence du TGI, la Cour d’appel a considéré dans son arrêt que Jurisystem contrevenait à la possibilité offerte à seulement certaines professions, de donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé pour autrui[3]. En effet, Jurisystem faisait intervenir des juristes non avocats pour répondre aux questions juridiques des internautes. Pour toutes ces raisons, la Cour considère donc qu’il y avait un caractère trompeur sur l’usage du nom de domaine <avocat.net>.

Un nom de domaine peut-il constituer une antériorité faisant obstacle à l’enregistrement d’une marque ?

La société Vente-privee.com semble ne jamais être au bout de ses ennuis… Suite à plusieurs sagas judiciaires [4], voilà qu’elle doit à nouveau assurer la défense de ses intérêts concernant la figure virtuelle Cécile de Rostand, représentant pour les clients la fonction de responsable de clientèle.

Vente-privee.com a découvert qu’un client avait réservé le nom de domaine <cecilederostand.fr> – en son nom personnel – ainsi qu’au dépôt de la marque « Cécile de Rostand », le même jour. Vente-privee.com considérait être titulaire de la marque notoire « Cécile de Rostand » mais le tribunal de grande instance [5] n’a pas partagé cet avis, considérant au contraire que « Cécile de Rostand » n’était pas une marque notoire mais que les signes litigieux portaient atteinte au nom commercial, aux droits d’auteur et au nom de domaine de Vente-privee.com.

Selon le TGI, un nom de domaine peut effectivement constituer une antériorité opposable à un tiers dans la mesure où il est réellement et activement utilisé. Cette décision fait écho à celle rendue pour les Vents du Nord [6] où la Cour avait admis une acception très large de la notion d’exploitation du nom de domaine… Donc il semblerait que le nom de domaine, quand même il serait très peu utilisé, constitue fréquemment une antériorité opposable.

La jurisprudence nous donnera plus de précisions à travers les prochains litiges à venir… affaire à suivre !

[2] Cass.com., 2 fév. 2016, n° 16-20.486, Sté Les Vents du Nord c/ Sté Cuivres et bois
[3] Art 54 de la loi n°71-1130 du 31 déc. 1971
[4]  CA Paris, pôle 5, ch. 2, 18 déc. 2015, n° 15/03/03732 Jurisystem c/ CNB
[5] Art 54 de la loi n°71-1130 du 31 déc. 1971
[6]  Notamment vente-privee.com c/ Showroomprive
[7] TGI Nanterre, pôle civil, 1ère ch., 3 déc. 2015, Vente-privee.com c/ JFC Finance
[8] Cass.com., 2 fév. 2016, n° 16-20.486, Sté Les Vents du Nord c/ Sté Cuivres et bois